Adieu ma concubine, un chef d'oeuvre !

Publié le par Valentin Chaput

J'ai regardé récemment le film de Chen Kaige Adieu ma concubine (霸王别姬), Palme d'or au Festival de Cannes en 1993. Beaucoup l'ont certainement déjà vu, les autres doivent le faire car le film, en plus de vous plonger dans les coulisses de l'opéra de Pékin, vous offre un regard sur les bouleversements historiques de la Chine des année 1920 aux années 1980.


A partir de 1924, Douzi (Leslie Cheung) et Shitou (Zhang Fengyi) sont deux élèves de la prestigieuse mais terriblement exigeante école de l'opéra de Pékin. Toute leur jeunesse est consacrée au dur apprentissage des textes, du chant, des chorégraphies et de la souplesse physique nécessaire pour espérer un jour rejoindre la scène. Ils sont choisis pour interpréter le célèbre opéra "Adieu ma concubine" qui retrace la fin terrible de la liaison entre Xiang Yu, prince du royaume de Chu, et sa concubine Yu Ji, qui préfère se suicider alors que son prince n'a aucun espoir d'échapper à la défaite face à Liu Bang, le futur fondateur de la dynastie Han en 202 av.JC.
Leur talent leur offre une renommée immédiate, sous leurs noms de scène Cheng Dieyi et Yuan Xiaolou. Or Dieyi qui joue la concubine (à l'époque, les rôles de femmes étaient interprêtés par des hommes) est homosexuel, et aime son ami et compagnon de toujours. Ce dernier décide quand à lui d'épouser Juxian (Gong Li), une fille qui échappe grâce à ce mariage à la maison de plaisirs qui l'emploie. Dieyi se réfugie alors dans les bras d'un riche mécène. Il est alors difficile pour les deux acteurs de séparer leurs rôles sur scène de leurs vies sentimentales.
Un autre point vient troubler leur opéra : les traumatismes de l'histoire chinoise au XXe siècle. Dès le début de leur carrière, la Chine est envahie par le Japon. Les Japonais resteront sur le territoire chinois huit ans, de 1937 à 1945. Avec le retour des nationalistes, puis l'arrivée des communistes, la "collaboration" des acteurs qui ont joué pour l'ennemi nippon est au centre du débat. Puis c'est la terreur de la Révolution culturelle qui s'abat sur les artistes à partir de 1966. Malgré les hauts et les bas de leurs relations, malgré la trahison forcée par le régime, l'amitié qui unit Douzi et Shitou depuis l'enfance perdure jusqu'à la fin de cette remarquable fresque.


Xiaolou et Dieyi dans le rôle de la concubine.

Premier commentaire qui fera l'unanimité, les acteurs sont exceptionnels. Leslie Cheung, qui était lui-même homosexuel avant de se suicider en 2003, est considéré en Chine comme l'un des meilleurs interprétes du rôle de la concubine, qui fait partie du répertoire classique de l'opéra de Pékin. Ensuite, cela reste de l'opéra chinois, avec ses débauches de dorures ou de couleurs vives et ses voix aigues, mais là encore, le film est très bien réalisé, donc les passages sur scène sont très appréciables. Chen Kaige a également réussi à recréer les ambiances des différentes époques du film, et le passage des années 1920 à la Révolution culturelle en deux heures montre parfaitement les changements qu'ont vécu tous les Chinois de cette génération. Si vous n'êtes pas familiers avec cette période, le film est une excellente introduction. En conclusion, Adieu ma concubine est un chef d'oeuvre du cinéma chinois, que vous ne pouvez pas manquer !

Publié dans Cinéma chinois

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